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Noël avec Charlie

Un article de Lisa Stein Haven

« Je me rappelle très bien un jour de Noël où j’étais assis à la même place (à l’école Hanwell), pleurant à chaudes larmes. Le jour précédent, j’avais transgressé quelques règlements. Comme nous entrions dans la salle à manger, pour le repas de Noël, on devait nous donner deux oranges et un sac de sucreries…

J’étais à réfléchir sur ce que j’allais faire avec le mien. Je garderais la pelure de l’orange, et pour les sucreries, j’en mangerais une par jour. Chaque enfant recevait son trésor comme il entrait dans la salle à manger. Finalement, c’est mon tour. Mais tout à coup, l’homme m’écarte de la file.

“Ah non, tu ne recevras rien avec ce que tu as fait hier.” »

–Charlie Chaplin dans “A Comedian Sees the World” (1933-4)

Chaplin (centre) à l'école Hanwell, 1897
Chaplin (centre) à l'école Hanwell, 1897

Si vous connaissez quelque chose à propos de Charlie Chaplin, vous avez sûrement entendu cette histoire. Et si vous connaissez cette histoire en particulier, vous savez que plusieurs rapportent que pour lui, Noël était marqué par cet événement de son enfance. L’était-il réellement?

Noël, pour Chaplin, comme rapporté dans les souvenirs d’autres personnes, est rempli de contradictions. Même dans l’essai cité plus haut, “A Comedian Sees the World”, Charlie nous parle de ce triste souvenir de Noël mais dit dans un autre passage au moins connaître, ou reconnaître, les mêmes sentiments chaleureux et les impulsions que Noël suscite pour nous. Alors qu’il était à Londres, il écrit : “Comme je marche autour de West Square, j’approche d’une papeterie où l’on vend des jouets, des sucreries et du tabac. Le magasin a une odeur qui réveille les souvenirs. Ça sent Noël. Dans la vitrine, j’aperçois une arche de Noé avec des animaux de bois peints. Je ne peux résister. J’entre et je l’achète juste pour avoir une bouffée de la peinture et du tabac que contient la boutique.”

La famille Chaplin dans le magazine "Jours de France", 1958
La famille Chaplin dans le magazine "Jours de France", 1958

Dans le même esprit, Charlie Chaplin, Jr. donne un long et tendre compte rendu de son expérience lors d’un “Noël sur la colline”, dans la maison située sur Summit Drive à Beverly Hills, en 1936 : “Les Noëls à la maison de mon père,” écrit-il, “composent un ensemble d’images dans mon esprit, qui sont presque toutes identiques, quant au style et à la texture. Même la température était semblable. Aussi loin que je peux me souvenir, les jours de Noël de mon enfance étaient ensoleillés et doux.” Dans ce compte rendu, on retrouve un groupe très uni d’amis et de membres de la famille (incluant les oncles Sydney et Wheeler, Alf et Amy Reeves, Constance Collier, King Vidor, Tim Durant, Docteur Reynolds et naturellement, Douglas Fairbanks) à l’occasion d’un déjeuner qui comptait au moins du boeuf rôti et du pudding Yorkshire quelque part sur le menu. Frank et les autres serviteurs pouvaient toujours espérer de généreux bonus et malgré ses souvenirs de Hanwell, Chaplin récompensait toujours ses garçons avec beaucoup de généreux cadeaux. Un de ces cadeaux intentionnés fut un enregistrement du Concerto No. 1 en Ré mineur pour piano et orchestre de Tchaikovsky. Comme Charlie Jr. se souvient : “Un soir, à la maison de mon père, j’avais trouvé ce concert à la radio et, incapable de m’en détacher, je m’étais endormi en l’écoutant. Papa et Paulette s’en étaient souvenus et ils m’ont acheté le disque.”

Chaplin en couverture du magazine "Jours de France", 1958
Chaplin en couverture du magazine "Jours de France", 1958

C’est peut-être l’un des plus étranges Noël de Chaplin qui nous est raconté par Louis Buñuel. Ça se passe à Hollywood en 1930, lors d’une fête de Noël à la maison de l’acteur espagnol Tono et de son épouse. Les invités sont un groupe d’acteurs et de scénaristes ainsi que Charlie et Georgia Hale. Buñuel raconte qu’ils avaient tous décoré le sapin de Noël avec les cadeaux qu’ils avaient apportés. Ensuite la fête a commencé et Buñuel fut soudain exaspéré par la récitation d’un poème espagnol, outrageusement patriotique. Il chercha alors l’aide de quelques invités. “Lorsque je me mouche”, murmura-t-il, “c’est le moment de se lever. Vous n’avez qu’à me suivre et nous réduirons ce stupide sapin en pièces”. Toutefois, ils trouvèrent la tâche de détruire l’arbre plus difficile que prévue et ils se concentrèrent plutôt à détruire les cadeaux. Comme Buñuel raconte : “La pièce était absolument silencieuse, tout le monde nous regardait, bouche bée.” À peine une semaine plus tard, Charlie invitait le groupe à sa maison pour la fête du Nouvel An. Ils trouvèrent alors un autre sapin rempli de cadeaux. Il reçut Buñuel seulement avec la remarque suivante : “Comme vous adorez détruire des arbres, Buñuel, pourquoi n’y allez-vous pas maintenant avec celui-là; comme ça, nous ne serons pas dérangés durant le repas.”

Si ces anecdotes en sont des indications, les Noël chez Charlie ont donc dû être semblables aux nôtres, remplis d’amis et de membres de la famille, ainsi que d’événements bizarres, à l’occasion. Étant donné que Charlie Chaplin est mort le jour de Noël 1977, c’est aussi une bonne journée pour honorer sa mémoire, peut-être en regardant ce grand classique de la période des fêtes, La Ruée vers l’or.

La Ruée vers l'or
La Ruée vers l'or

Sources: Buñuel, Luis. My Last Sigh. Trans. Abigail Israel. NY: Knopf, 1983.
Chaplin, Charles. “A Comedian Sees the World.” Women’s Home Companion. Sept. 1933: 7-10, 80, 86-9; Oct. 1933: 15-17, 102, 104, 106, 108; Nov. 1933: 15-17, 100, 102, 104, 113, 115, 116, 119; Dec. 1933: 21-23, 36, 38, 42, 44; Jan. 1934: 21-23, 86.
Chaplin, Charles, Jr. My Father, Charlie Chaplin. NY: Random House, 1960.


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